Comprendre la résilience du désir pour les produits de luxe en Chine – Episode 1

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ActusInsights

Les consommateurs chinois sont à l’origine de plus de 35 % des ventes mondiales de produits de luxe et la Gen Z devrait représenter 50 % des dépenses de luxe d’ici quatre ans . Elle est déjà à l’origine d’une partie du rebond post-confinement miraculeux des marques de luxe sur le marché chinois.
La Gen Z est donc tout naturellement au cœur de toutes les analyses du marché qui détaillent les tendances de consommation de luxe de cette population : qui ? quoi ? comment ? Toutefois très peu s’interrogent sur le pourquoi ? Cette question est pourtant essentielle car confrontée à une série de crises (sanitaire, économique, nationaliste), la nouvelle génération chinoise continuera-t-elle à consommer du luxe ? Pour adapter la bonne stratégie de communication et rester attractif à ses yeux, il faut commencer par comprendre les relations entre consommateurs chinois et produits de luxe.

Résilience par la psychologie de la motivation

Au-delà des particularités du pays – écosystème technologique, poids des nouvelles plateformes de réseaux sociaux – se trouve un ensemble de schémas comportementaux très spécifiques qui sont les moteurs de consommation des produits de luxe. En général, l’attirance tient aux attributs uniques des produits de luxe : symbolique, hédonisme, qualité, utilité et autres valeurs exclusives . Mais lorsqu’il s’agit des consommateurs chinois, leurs motivations sont d’ordre psychologique et touchent à la représentation sociale. De nombreux facteurs historiques, culturels, sociétaux, ont tissé un réseau tortueux de complexes qui ont façonné la psyché du jeune consommateur chinois.

Histoire et initiation au luxe

En Chine, le luxe est loin d’être nouveau. Il remonte à la période de la dynastie des Zhou de l’Est (770-221 avant J.-C.) . Les seigneurs définissaient leur statut social via les privilèges et les exclusivités. Grâce aux offrandes et au commerce, ils ont acquis porcelaine, laque, or, jade, soie, objets de grande qualité fabriqués avec des matériaux précieux. Cependant, ce cercle de privilégiés n’était pas complètement fermé. Selon la doctrine du confucianisme, le statut d’intellectuels/fonctionnaires de haut rang, accessible grâce au mérite et au travail acharné sanctionné par un système d’examens annuels, permettait à ceux qui avaient réussi à intégrer la cour, de faire partie du cercle de l’Empereur et de jouir du même niveau de vie luxueux . Ce statut privilégié procurait, en cas de succès, un sentiment de réussite; et en cas d’échec, un sentiment d’incompétence. Ceux qui réussissaient étalaient leurs objets luxueux, symboles des privilèges qu’ils avaient obtenus. Les recalés, quant à eux devenus des marchands, achetaient des objets similaires pour apaiser leur frustration. Ces complexes d’infériorité sont bien plus forts que les autres facteurs de motivation et ont marqué le début de la consommation de luxe dans la population.

Plus récemment, lorsque le parti communiste a pris le contrôle en 1949, le luxe est devenu un symbole contre-révolutionnaire de décadence, d’excès éhonté, de capitalisme. Le conditionnement des individus a été tellement efficace que toute une génération a grandi avec un dédain affirmé pour le luxe. Cette période a stigmatisé le luxe bien au-delà de la fin de la Révolution Culturelle. Il aura fallu quelques décennies pour contrebalancer cet extrémisme. La réforme économique de Deng Xiao Ping a remis à l’honneur le succès dans les affaires, la richesse et la quête des plaisirs. Cela a provoqué une consommation effrénée et ostentatoire. Toutefois, dépourvus de codes et incapables d’apprécier le raffinement d’un produit haut de gamme, les consommateurs, à l’époque, n’avaient que trois critères : le prix (le plus élevé possible), le logo (le plus gros possible) et sa capacité à être immédiatement identifiable.

Pour la génération Z, la révolution culturelle est une référence lointaine dont elle n’a pas encore pleinement assimilé les impacts à long terme. Mais sans le savoir, son désir actuel de produits de luxe est né des séquelles de cette période historique et de l’envie cachée de leurs parents pour ces objets qui représentent l’héritage et le raffinement.